L'autre jour, c'était la nuit, et la tempête venait de se calmer. Elle avait tonné, secoué, arrosé, et je l'avais adorée.
En Béarn, on ne sait jamais si une tempête est partie: elle peut être rapide à buter contre les montagnes et revenir grogner, pisser et taper du pied. Allez lui expliquer qu'il ne sert à rien de se taper la tête contre les murs mais qu'il faut les contourner. Elle arrive juste de son océan, elle veut passer, elle tourne elle râle elle mouille, elle gronde, elle revient, jusqu'à épuisement.
C'est vert, le Béarn, un petit côté Normandie. En encore plus beau.
Elle était partie et peut-être encore là mais, pour rentrer chez les parents, j'avais envie de ne pas attendre les autres et de marcher.
J'ai pris sur le buffet une tranche de jambon roulée, je suis sortie, je n'avais pas de lampe, c'était la pleine campagne, les nuages étaient toujours là, ni lune, ni étoiles. Le macadam était le moins noir.
Le plus noir, c'était lui, le ciel. Je le soulevais avec les bras, il était là, c'est léger un ciel dans lequel on marche.
Sur les bords, sous mes pieds il y avait des graviers. Alors je revenais au milieu. L'eau aussi est sur les bords. Au milieu, les touffes d'herbe sur les chevilles et les mollets, et les gouttes qui montent.
En fonction du noir des buissons, leur espèce et leur profondeur. Chacun son noir.
Même les vaches étaient noires. Même leurs cornes étaient noires. Je les entendais seulement, je ne les voyais pas. Si un jour je suis dans le coma, venez me voir si vous m'aimez, venez me parler, le soir laissez-moi un chien, le mien, et la nuit, seule, le bruit des vaches qui soufflent et grognent. Sans doute suis-je née dans une crêche.
Le Béarn est béni des dieux. Même la nuit aime ce pays.
Les prés étaient noirs, les arbres encore noirs.
Le jambon de pays n'est pas mesquin,il est doux et fort et fondant, et en tranches épaisses qui se croquent sans venir en entier comme dans les sandwichs d'ailleurs avec les cornichons. Il m'emplissait si fort, le vent soufflait si frais, je n'ai pas senti la terre mouillée, la douceur âcre des fins de pluie.
J'avais le vent tout vif, le sel du jambon, et la découverte d'un noir, et d'un noir, et d'un nouveau noir, et encore d'un noir.
J'aime imaginer, mais jamais je n'ai su aller si loin, si doux, si vivant et si piquant que ces moments d'émerveillement où le coeur remplit jusqu'à la peau.
Cette nuit là j'étais tous sens comblés, battant de la merveille et de l'enchantement.
Au fond, où la montagne est couchée, le Pays Basque était bleu. Dès qu'ils peuvent se faire remarquer...
"Quelque chose de plus noir que l'obscurité..." (Joyce)
Rédigé par : spicynico | jeudi 06 sep 2007 à 14:51
Je me fais baffer parce que j'emploie le mot "gonfler" à mauvais escient, et voilà que quand je tente un commentaire un peu plus élevé, il ne suscite aucune réaction.
Rédigé par : spicynico | samedi 08 sep 2007 à 18:18
Oh je désole, Spicy !
C'est parce que je ne savais que dire tellement j'étais contente que tu aies juste attrapé ce que je voulais raconter, et tellement bluffée que tu l'aies transcrit en une citation....
Et un peu étonnée que tu sois le seul à avoir lu mon petit récit de vacances... alors j'attendais...
Mais grand merci et zibou
Rédigé par : hoplàlavoilà | samedi 08 sep 2007 à 22:46