L'autre jour, dans la rue, je traversais. Enfin, je traversais: la rue.
Sur le trottoir en face de moi, assez loin, un homme tout souple, tout délié comme on dit chez Holiday on Ice et là j'ai compris pourquoi, une sorte de force ondulante et silencieuse, cohérente, extrêmement efficace puisqu'il arrivait à grande vitesse sur ses rollers.
Ca a un charme fou, une telle évidence dans le mouvement, quelque chose d'animal, de doux, de grâcieux, de fort, quelque chose avec lequel on se sent en phase instinctivement, et en admiration. Une sorte de fierté d'être de la même humanité, vous voyez.
Et d'une voix posée, douce, évidente, tout près de moi maintenant: "si tu dévies d'un pas sur le côté, je te flingue".
L'utilisation si parfaite de son corps avait amené la perception de cet inconnu au plus intime en moi. C'est insensé ce que la violence de sa phrase m'a déchirée.
Lui semblait-elle normale ?
Elle m'a vrillée plusieurs minutes, et est encore à ma portée, là, pas loin, si je voulais.
Mes blagues décalées peuvent-elles alors parfois avoir ce tranchant, pour des gens sérieux ? Mon humour de chiottes, pour des gens peu habitués ? Mes mots directs, pour des gens très policés ? Née dans un milieu plein de codes, dans un pays plein d'habitudes, je m'amuse tout le temps, dans les conversations, à méandrer mon humour le long de toutes ces frontières.
Gentiment.
Gentiment ?
Il m'a fait peur pour moi.
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